Neutralité carbone pour le logement en 2050

Pouget Consultants et Carbone 4 ont cherché à comprendre à quoi pourrait ressembler le parc résidentiel en 2050, en termes de performances énergétiques et d’équipements de chauffage et eau chaude sanitaire, pour être compatible avec l’objectif de neutralité carbone de la France, tel que défini par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).

Une chose est sûre, la neutralité carbone en 2050 imposera au secteur du bâtiment un changement considérable en termes de conception, d’utilisation des énergies renouvelables et décarbonées et de volonté de relever ce défi majeur.

Parvenir à la neutralité carbone en 2050 pour le logement

Pour limiter la hausse de la température moyenne mondiale à +2°C par rapport à l’ère préindustrielle, l’objectif de La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) vise une réduction des émissions de 95% par rapport à 2015.

Cet objectif se traduira par des consommations d’énergies limitées et réparties précisément selon différentes sources énergétiques considérées décarbonées en 2050 (bois, électricité, biogaz, réseaux de chaleur urbains).

Pour en savoir plus : https://conseils.xpair.com/actualite_experts/neutralite-carbone-logement-2050-etude-prospective.htm)

Cinq actions clés pour atteindre la neutralité carbone dans le logement

Pour le parc résidentiel, l’atteinte de la neutralité carbone est conditionnée à l’efficacité énergétique des logements et aux recours aux énergies décarbonées.

Le parc doit être massivement rénové et à des rythmes encore jamais vus, et chacune des opérations de rénovation doit garantir un niveau de performance énergétique minimal accompagné de la mise en place de solutions énergétiques décarbonées pour pourvoir aux besoins énergétiques restants.

La performance moyenne du parc résidentiel permet d’atteindre le niveau BBC rénovation.

Mais cette exigence est une moyenne et ne peut être exigée pour tous les bâtiments. Certains logements devront aller plus loin que l’exigence BBC, d’autres ne pourront pas atteindre le niveau pour des raisons techniques et/ou économique (coût marginal élevé).

La construction neuve a également un rôle à jouer et tous les projets qui sortiront en chantier dès 2021 doivent être compatibles avec l’objectif 2050 de neutralité carbone.

Quatre leviers d’actions pour atteindre la neutralité carbone pour le secteur résidentiel

Au-delà d’un package d’aides financières accessibles et intelligibles pour les ménages, au-delà d’une offre de qualité proposée par les professionnels de la filière, qui doivent être suffisamment nombreux, l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone en 2050 selon la SNBC sera conditionnée par des évolutions réglementaires :

  1. Massifier la rénovation énergétique. Inciter à rénover en conditionnant les subventions à l’efficacité énergie et carbone en exploitation.
  2. Respecter des niveaux d’isolation minimum et aller au-delà de la RT actuelle dans l’existant. Définir les logements à rénover en priorité, les « passoire énergétique », en intégrant également le critère carbone en complément du critère énergie qui est seul utilisé aujourd’hui.
  3. Revoir le niveau de rénovation cible à l’horizon 2050 à 100% « BBC », qui, tel que défini actuellement, n’est pas pertinent pour tous les logements, pour qu’il soit compatible avec la SNBC et tienne compte des spécificités des logements. Intégrer dans le DPE un parcours de rénovation préconisant des bouquets de travaux intégrant des critères bas carbone.
  4. Fixer dans la Réglementation Environnementale RE 2020 des niveaux carbone compatibles avec les objectifs de la SNBC et viser un niveau de sobriété et consommation énergétique des plus ambitieux.

Allez plus loin que la réglementation thermique de l’existant RT-EX

La SNBC définit une enveloppe énergétique de 292 TWh pour le secteur résidentiel, toutes énergies confondues. Deux scénarios ont été étudiés par Pouget Consultants et Carbone 4 :

  • un scénario « tendanciel » s’appuyant sur le rythme de rénovation actuel ;
  • un scénario « réaliste » pour lequel 100 % des bâtiments construits avant 2000 sont rénovés sur tous les lots enveloppe ne présentant pas de difficulté technique lourde (i.e. hors terre-pleins et façades à caractéristiques spécifiques 4) avec un niveau d’isolation tel que définis pour le CITE (Crédit d’impôt pour la transition énergétique).

Les niveaux définis par la réglementation thermique de l’existant aujourd’hui et dans la future RT-EX par éléments par éléments sont donc largement insuffisants pour atteindre l’objectif de neutralité carbone.

La prise en compte du traitement de l’étanchéité à l’air, des ponts thermiques et la gestion des risques pathologiques est indispensable pour obtenir des rénovations qui atteignent le niveau de performance BBC attendu. La définition d’un cadre méthodologique pour proposer des gestes de rénovations qui respectent ces critères et vont donc au-delà des simples exigences sur le niveau d’isolation est donc essentielle.

En rénovant le parc de logements construits avant 2000, soit 80 % du parc actuel, selon le scénario « réaliste » défini ci-avant avec les changements d’énergie présentés plus loin et en construisant des logements neufs très performants, le parc de logements atteint bien un niveau de performance moyen BBC rénovation,correspondant à un des objectifs de la SNBC pour le bâtiment.

L’analyse économique associée au scénario « réaliste » montre que malgré la disparité de consommations énergétiques d’une typologie de logements à l’autre, la mise en œuvre du scénario permet d’aboutir à des factures maîtrisées pour l’ensemble des ménages : 85 % des logements pourraient atteindre des factures énergétiques inférieures à 1 000 € TTC.

Par ailleurs, l’investissement global nécessaire pour les travaux énergétiques représenterait 18 Mds € par an d’ici 2050 dont 13,3 Mds € pour les travaux sur l’enveloppe. Ce chiffre est cohérent avec celui annoncé par la Fédération Française du Bâtiment, à savoir 14 Mds € par an.

L’étude montre clairement que des changements d’énergies, donc de systèmes énergétiques, sont incontournables pour répondre aux deux autres objectifs de la SNBC : un mix énergétique et un budget carbone précis en 2050.

Le scénario « ambitieux sans changement d’énergie », un scénario pour lequel tous les logements construits avant 2000 sont rénovés sur tous les lots de l’enveloppe et des systèmes, avec des niveaux supérieurs au CITE mais conservant l’énergie présente à l’état existant, traduit un volume d’énergie (en TWh) qui respecte bien l’enveloppe donnée par la SNBC (« mix cible SNBC ») mais pas la répartition par énergie : les consommations de gaz sont deux fois supérieures.

Les équipes Pouget Consultants et Carbone 4 proposent donc un scénario « réaliste avec des changements d’énergie » qui permet d’aboutir à un mix énergétique proche de celui défini dans la SNBC.

La tenue de la condition de 20 kWhef/m².an en 2050 pour les bâtiments construits à partir de 2020/2021 nécessite de construire dès aujourd’hui des bâtiments en capacité d’évoluer naturellement vers ce niveau de performance à horizon 2050. Ceci passe par le traitement initial des éléments irréversibles tel que l’enveloppe thermique du bâtiment et d’anticiper les évolutions futures des systèmes de production d’énergie (ex : intégration de chaleur renouvelable). La prise en compte du confort estival dès la conception est également primordiale afin que l’adaptation nécessaire des bâtiments aux météos de demain n’impliquent pas des consommations supplémentaires non maîtrisées.

En conclusion de cette étude « logements neutralité carbone 2050 »

Cet objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, constitue un défi d’envergure pour le secteur du bâtiment, et ce défi n’est que 30 ans, c’est peu à l’échelle du bâtiment et de sa durée de vie et c’est un objectif actuel pour ceux qui conçoivent des bâtiments neuf ou des rénovations lourdes.

Si les niveaux de performance cibles sont techniquement accessibles que ce soit pour l’existant ou la construction neuve, il est certain que les difficultés majeures seront de mobiliser les acteurs (professionnels de la filière, occupants, gestionnaires de parc, acteurs publics…) pour que le rythme de rénovation soit soutenu jusqu’en 2050, d’une part, et que des réflexes de changements d’énergie et de concepts soit également intégrés d’autre part.

Au-delà d’un package d’aides financières accessibles et intelligibles pour les ménages, au-delà d’une offre de qualité proposée par les professionnels de la filière – qui doivent être suffisamment nombreux, l’atteinte de l’objectif bas carbone de la SNBC sera conditionnée par des évolutions réglementaires pour massifier la rénovation des logements avec un niveau de rénovation cible à 2050 du « BBC » et proposer une prochaine RE 2020 ambitieuse pour la construction neuve.

Par Pouget Consultants (Julien PARC et Charles ARQUIN) et Carbone 4 (Aida TAZI et Julie DAUNAY).